samedi 16 janvier 2010

L'immobilier, notre histoire !

À la signature de l'acte de vente chez le notaire, plusieurs de mes clients sont étonnés de recevoir une pile de vieux titres de propriété. Juridiquement, ces titres ne suivent pas les propriétaires mais font parties intégrantes de l'immeuble que l'on achète. Ils sont transmis d'un propriétaire à l'autre et à chaque vente, un nouveau titre s'additionne à la pile.

En décembre 2005, entre Noël et le jour de l'an, je m'amuse à examiner les vieux titres de mon triplex sur la rue Chabot dans la Petite-Patrie. J'ai devant moi l'histoire d'une maison ou plutôt une liste des propriétaires depuis l'achat du terrain en 1913 par un menuisier, Philippe Lachance (les noms de famille ont été volontairement modifiés, parce qu'ils sont accessoires dans le propos). Il a acheté le terrain pour la somme de 225$ à la THE ROSS REALTY COMPANY LIMITED, appartenant à James Ross riche financier et ingénieur de Montréal. Ce dernier vivait sur la rue Peel dans une résidence bourgeoise qu'il avait fait construire par l'architecte américain Bruce Price.



La pile sur mon bureau comprend des actes de vente et aussi de vieux testaments faisant acte de transmission des droits de propriété sur l'immeuble. Plus je lis les premiers documents écrits à la main, plus je veux en savoir davantage sur ces gens qui y habitaient. Je me mets à lire et classer les titres de façon chronologique. Surprise, j'ai devant moi tous les actes jusqu'à aujourd'hui, ce qui me permet de constater que l'immeuble a appartenu à cette même famille Lachance pendant plus de 60 ans. Ce triplex prend tout d'un coup encore plus d'importance à mes yeux. Je me dis qu'à l'intérieur de ces murs, l'histoire d'une famille s'est passée sur plusieurs générations.

Les titres de propriété et les actes permettent de dessiner l'arbre généalogique de cette famille à partir de Philippe Lachance. Celui-ci a eu un fils qui se nomme Raoul. Là, il me vient à l'esprit de vouloir parler à un descendant pour connaître davantage cette famille à travers l'historique de propriétés de cette maison. Je pense immédiatement à l'internet. J'ouvre Google et j'écris L-a-c-h-a-n-c-e. Je tombe sur le site des Lachance en Amérique du Nord. J'aperçois une note et l'adresse de courriel d'une femme qui parle d'un dénommé Raoul de Montréal. J'écris à cette femme et lui demande si elle connaît des descendants de Raoul Lachance qui habitait sur la rue Chabot à Montréal. Il est trois heures du matin. J'arrête ici mes recherches, mais je n'arrive pas à dormir et je ne cesse d'imaginer la vie de cette famille dans cette maison.

Quelques heures plus tard, j'ouvre ma boîte de courriel. Incroyable! J'ai une réponse à mon courriel de la femme qui me parle d'une tante vivante, Louisette la fille de Raoul. Cette femme m'écrit qu'elle a été touchée par mon intérêt puisqu'elle n'avait que de bons souvenirs d'enfance dans cette maison, notamment le bonheur qui y régnait lors des rencontres familiales du temps des fêtes. Elle m'invite à transmettre mes coordonnés téléphoniques qu'elle fera suivent à sa tante Louisette.

Dans la même journée, je reçois un appel de Louisette, fille de Raoul Lachance. Je suis étonné et en même temps emballé d'avoir au bout du fil la clé d'une histoire qui me passionne totalement. Nous avons parlé pendant au moins une heure. Louisette Lachance est née dans le logement principal du rez-de-chaussée et s'y est mariée à l'âge de 23 ans. Son père, Raoul, est menuisier tout comme son grand-père, Philippe, avec qui il construit le triplex. Ils construisent d'abord une petite maison de trois pièces en fond de cour. Cette petite maison sert d'atelier aux deux menuisiers tout en abritant un commerce de type dépanneur. La construction du triplex sur deux étages s'étend sur plusieurs années. La famille de Philippe Lachance déménage finalement au rez-de-chaussée du nouveau triplex durant l'année 1925.

Louisette Lachance me raconte que son père Raoul et son grand-père Philippe prennent grand soin de leur maison. Ils parlent avec fierté des rosaces installées au plafond du salon mais, peu fortunés, les planchers sont en bois franc que le long des murs. Au centre des pièces, les planchers sont en pin et le revêtus de tuiles en linoléum ou de tapis.

Raoul épouse Exilda Lapierre. Au début de leur mariage, ils occupent une des deux pièces double parallèle. Ils ont six enfants, dont Louisette, tous nés au rez-de-chaussée du triplex. À une certaine époque, il y a eu jusqu'à huit personnes vivant au rez-de-chaussée. Dans la partie arrière d'une des pièces double, c'était la chambre des filles. Le salon avec ses rosaces est à l'avant de l'autre pièce double et les grands-parents occupaient la partie arrière. Les garçons couchaient dans une autre pièce à l'arrière de la maison, attenante à la cuisine.

J'aurais beaucoup à raconter sur l'histoire de cette maison et de cette famille. Un document mérite enfin une dernière observation. Parmi les titres en ma possession, il y a un testament d'Évelina Leclair daté du 9 juin 1933. Elle y lègue à son époux Philippe Lachance sa part indivise de l'immeuble. Le testament est fait et signé au rez-de-chaussée du triplex. J'arrive à la conclusion qu'Évelina Leclair était probablement très malade, puisqu'elle décède 3 semaines plus tard le 9 juin 1933, selon une déclaration de transmission de sa part indivise. Philippe Lachance, le grand-père, décède le 30 octobre 1943, sans testament. Il laisse pour seuls et uniques héritiers ses quatre enfants dont Raoul Lachance.

Les titres de propriété nous apprennent beaucoup sur les gens qui ont vécu dans nos maisons. L'histoire de cette famille vivant dans ce triplex de la rue Chabot prend fin le 4 mai 1974, alors que Raoul Lachance vend le triplex familial pour une somme de quinze mille dollars. Dans ces maisons que nous habitons, il y a une belle histoire : la construction d'un héritage, des naissances, des mariages et des décès. L'immobilier, c'est notre histoire . . . prenez grand soin des anciens titres de votre propriété !

1 commentaire:

  1. Bonjour mr Vaillant, content de vous revoir (virtuellement) de nouveau, j'espere que vous allez bien et que les affaires ont bien repris.
    Gerry et nadia, (5959 rue lafontaine)

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