vendredi 29 octobre 2010

Le courtier est-il un accessoire du courtage immobilier au Québec ?


Depuis une semaine, les médias se font l’écho d’une entente à l’amiable entre l’Association Canadienne de l’immeuble (ACI) et le Bureau de la concurrence du Canada, permettant aux consommateurs de vendre leur maison à moindre coût parce que les courtiers pourront désormais offrir des services réduits. Puisqu’au Québec une loi encadre les opérations de courtage immobilier, certains ont soutenu le fait que notre législation bloque peut-être la réduction des frais de courtage.

L’objectif premier visé de cette loi est la protection de l’acheteur et du vendeur dans une transaction immobilière. Elle vise donc l’encadrement de l’ensemble des pratiques d’une opération de courtage. Les frais de courtage ne sont pas fixés par la loi et le législateur ne peut pas et n'a judicieusement pas voulu s'immiscer dans les lois du marché. Les frais de courtage sont négociés à la prise du contrat de courtage, entre le vendeur et le courtier. Faites venir trois courtiers et vous aurez trois prix pour le même service. Les règles du marché ne sont pas différentes parce qu'ils existent une loi sur le courtage immobilier au Québec. C'est la même chose lorsqu'on cherche un comptable, un couvreur ou un dentiste.

Certains observateurs souligne que cette entente arrachée par le Bureau de la concurrence du Canada est une grande victoire parce qu'elle fera diminuer les coûts du courtage au pays. Voyons donc ! Si les coûts sont réduits, ce n'est pas à cause d’une plus grande concurrence, c'est parce qu'on diminuera le niveau de services offert par un courtier immobilier. En économie 101, on apprend qu'on ne réduit pas le prix de la patate en diminuant la qualité de la patate, mais en augmentant la quantité de patates offertes. Et si vous réduisez la qualité d'un produit, son prix diminuera parce que la demande pour ce produit diminuera. C'est comme si vous demandiez à votre plombier d'être moins bon, votre comptable de ne pas trop savoir compter ou à votre dentiste d'être plus arracheur qu'un soigneur de dents. C'est certain que cela vous coûtera moins cher. Dans une opération de courtage, le consommateur sera assurément moins servi si on cherche à diminuer l’étendue des services. Pourtant, la recette est simple : faites venir plusieurs courtiers qui se concurrenceront pour obtenir un contrat de vente de votre maison.

D'autres observateurs applaudissent précisément l’élément de l'entente qui permet à un consommateur de retenir les services d'un courtier que pour diffuser sa propriété sur le site MLS. Ils ont prétendu par ailleurs qu’il y aura une résistance de la part des courtiers qui ne voudront pas engager leur responsabilité à moindre coût. Si je m'oppose à cette entente, ce n’est pas seulement pour ce motif, mais parce qu’elle vient redéfinir et édulcorer la pratique du courtage immobilier au Québec. Le courtier n'est pas un accessoire au courtage immobilier et je n’ai pas être payé s’il n’y a pas d’opération de courtage. Qui plus est, chacun est libre de vendre sa propriété avec ou sans intermédiaire au Québec. Il existe une diversité de sites internet pour le faire. Mais historiquement, des abus et des pratiques douteuses ont amené le Québec à légiférer pour encadrer l’ensemble des pratiques de courtage si une personne décide de le faire avec un courtier.

Par cette entente, on prétend rendre service au consommateur en voulant maintenant leur faire payer pour un service qui était autrefois gratuit. En effet, la loi sur le courtage immobilier précise que le courtier a droit à une rétribution seulement lorsque la propriété est vendue. À l’inverse, la clause du contrat de courtage qui autorise à inscrire la propriété sur le site MLS ne donne droit à aucune rétribution. Ainsi, le consommateur payera dorénavant pour l’inscription MLS de sa propriété même si la propriété n’est pas vendue. Je pense raisonnablement que l’inscription sur MLS est une pratique parmi tant d’autres pour diffuser une inscription et non une finalité en soi. Le consommateur sera le grand perdant de la décortication de l’opération de courtage. Plus d’opinion de la valeur marchande, plus de négociations, plus de services-conseils sur les aspects légaux d’une transaction, plus de formulaires à compléter, plus de présence lors des inspections, etc. Comment protéger le public si une opération de courtage se définit par une seule pratique de publicité faite par un courtier et non jugée dans sa globalité par l’ensemble des actions posées par le courtier pour vendre une propriété ?

J'ai personnellement interpelé les membres du conseil d'administration de la Chambre immobilière de Montréal, ainsi que ceux de la Fédération des chambres immobilières du Québec pour faire valoir le caractère insidieux de cette entente. Elle ouvre la porte à ce que le courtier ne devienne qu'un simple accessoire dans l'opération de courtage. Je pense au contraire que le courtier est essentiel et ne peut être remplacé par le simple acte de diffusion d'une propriété sur un site internet prisé. Si une loi règlemente le courtage immobilier, c'est pour obliger le courtier à offrir en vente les propriétés avec loyauté, diligence et surtout, avec compétence. Il doit honorer ces principes pour conserver son droit de pratique au Québec. Il faut comprendre ici que la pratique du courtage immobilier est un droit obtenu selon des règles définies par cette loi et non pas un privilège accordé arbitrairement.

Comme courtier qui a qui a cœur sa profession, je ne supporte pas qu’on me demande d’être médiocre pour que mes services coûtent moins chers. L’opération de courtage visant l’achat et la vente d’une propriété est trop importante pour que collectivement on ne l’encadre pas globalement par une loi. C’est un choix et un projet de société.


2 commentaires:

  1. Merci Jocelyn pour ce texte avec lequel je suis à 100% d'accord !

    L'immobilier est en grand changement, mais vas-t'on vraiment dans la bonne direction ?

    Marie-Annick Lavigne
    La Capitale Maximum Inc.

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  2. Merci pour ce point vue que je partage pleinement.
    Malheureusement, il faut peut-etre passer par la pour que le consommateur se rende compte par lui-meme que tout cela ne lui servira a rien, ca lui coutera cher, etc ...

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